Voilà bientôt quarante ans que le couple littéraire français le plus "mythique" a disparu. Les années s'écoulent, et encore aujourd'hui, dans la sphère publique, beaucoup s'extasient devant la légende Sartre et De Beauvoir, sur l'influence qu'ils ont eu sur la société française, sur la littérature et le féminisme. Imaginez donc l'horreur, à la lecture de cet article québécois, traitant de la domination malsaine du couple sur leurs étudiants. Sévices sexuels, manipulation, pédophilie, cela ne colle pas avec la figure forte de Simone De Beauvoir ; l'autrice du "Deuxième sexe" semble faillir à sa propre parole. Son combat serait-il détruit par son vice ? Doit-on séparer l'oeuvre de l'auteur ? Ou l'icône de la femme ?
Si l'emprise du philosophe sur son épouse n'est pas un secret, les intellectuels français tiennent, cependant, à conserver le secret de leur perversité, intact. Car tout ce monde savait, mais tout le monde s'est tu. La lecture des ouvrages de Sartre se fait douloureuse, car il est insupportable d'avoir conscience que de tels chefs d'oeuvres aient pu être créés par un prédateur. Mais le profond déchirement est ressenti lorsque l'on mentionne Simone de Beauvoir, le maître à penser des générations précédentes. Cette puissance littéraire et humaine, se révèle être un loup déguisé en agneau. Auparavant, son nom m'aurait empli de fierté, d'appartenir à ce sexe non-faible. Désormais, la jeune femme que je tente de devenir ne peut que ressentir de la honte et du dégoût. Honte d'avoir cru à une telle révolution sociétale, une telle avancée pour les femmes. Les actions de Madame De Beauvoir ne peuvent que décrédibiliser ses propos, et légitimisent l'annihilation de l'Autre.

Cela fait désormais quatre ans que Normand Lester a publié son article dans Le Journal de Montréal, Concordia honore une prédatrice sexuelle : "who cares". Quatre ans que cela ne semble ébranler personne, la prédation sexuelle semble être une normalité. "Figure éthérée", comme il la nomme, Lester pointe du doigt les vices de la grande féministe et de ses crimes. Crimes perpétrés dans l'idée de plaire à son mari et pour satisfaire ses propres perversions. Nous ne comptons plus les victimes s'étant exprimées et plaintes de l'immondice.
L'intérêt de cette tribune n'est pas de déverser une haine quelconque, car elle n'a pas lieu d'être ; il est essentiel cependant de mettre en lumière ce refus de la part de l'élite française de faire face à ces crimes. Car même si l'oeuvre de De Beauvoir constitue une révolution féministe absolument monumentale, il demeure incompréhensible de continuer à la percevoir comme une "icône", lorsque l'on sait que ses actions démentent complètement ses écrits. La manipulation et les sévices sexuels anéantissent l'individu et le soumet. Le féminisme est un combat qui ne supporte justement aucune forme de domination.
Le mouvement "woke" revendique l'idée de ne plus enseigner ou ne plus vendre les ouvrages portant des valeurs obsolètes, parfois racistes, homophobes, misogynes etc ; il n'est pas question de cela ici. Il faut continuer de s'informer, s'enquérir de ces ouvrages, seuls le savoir et la connaissance peuvent nous éviter de sombrer dans la violence et l'obscurité. Donc continuons de lire, juste pour la beauté du texte, le Huis Clos de Mr Sartre ou Mémoire d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir. Mais arrêtons de mystifier des auteurs en déniant leurs immoralité et leurs crimes. Aujourd'hui les médias et les élites intellectuelles continuent de présenter De Beauvoir comme la mère "icônique" du féminisme moderne. Ses textes sont fidèles à cette avancée sociétale, pas la femme ! Cette hypocrisie nous empêche d'y voir clair.
Lisons Le Deuxième sexe mais aussi Mémoire d'une jeune fille dérangée de Bianca Lamblin ! Cette dernière, victime des perversions du couple dans les années trente, a publié cette oeuvre afin de dénoncer les agissements de ce dernier, à l'époque où ils furent enseignants. Notons par ailleurs, qu'en 1993, le journal Le Monde fut un des seuls à souhaiter y consacrer un article. Visionnons la vidéo de Vladimir Nabokov et du travail documentaire du média Arte, qui remet en place l'intention de l'écrivain dans une période d'acceptation de moeurs pédophiles (1). Réjouissons-nous du mea-culpa du Journal Libération de 2020, qui avait participé à la propagation d'une pétition pro-pédophile signée par le couple Castor-Sartre, lui-même. Pour information utile : c'est à Monsieur Gabriel Matzneff que nous devons cette pétition de 1977 !
Refusons les oeillères et le déni, ayons conscience du sens de ce que nous lisons, de l'époque et de qui nos plus grands ouvrages proviennent. Ne nous empêchons jamais de découvrir des classiques ; les moeurs étaient différentes, la méconnaissance présente, néanmoins ne les tolérons plus aujourd'hui !
Article du Journal de Montréal : https://www.journaldemontreal.com/2019/04/03/concordia-honore-une-predatrice-sexuelle--who-cares
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